Les vitraux des soldats de l'église de Nantiat

L’église de Nantiat est récente puisque construite en 1833 comme l’indique une plaque commémorative.

Côté gauche de la nef, en entrant, ayant dépassé la chapelle consacrée à St Vincent, on découvre en premier ce vitrail :

On voit :

Un être ailé déposant une palme au dessus d’un soldat jeune en tenue d’infanterie. Il est décoiffé, tenant le Képi à la main, le fusil au pied, de l’autre. Il a le regard lointain.

A côté de lui, lui tournant le dos, une femme agenouillée en habit traditionnel d’alsacienne tient dans ses bras un enfant emmailloté. Ce dernier fait face au spectateur et se présente en partie nu. A côté se tient un paysan faisant office de père et fixant son regard comme celui de sa femme dans la direction d’une scène sortant d’une brume, voile bien céleste, il fait signe de la main dans un geste d’appel. Cet arrière plan nous fait découvrir un chevalier en armure dont l’épée pointe vers une scène de désolation, mais son étendard aux fleurs de lys sur champs d’argent et l’attitude combattante qu’il inspire, rappellent la figure de Jeanne d’Arc, enfant de la Meuse. Suppliante, une femme aux couleurs bleu, blanc et rouge semble signifier la France implorant un secours de sa sainte patronne.

 

 

 

En bas, un cartouche nous délivre l’identité du militaire tombé au champ d’honneur.

A la mémoire d’un Bienfaiteur

Robert Jean DONDAINE

Tombé au champ d’honneur le 22 août 1914

A l’âge de 24 ans à St Médard près de Neufchâteau, Belgique

Le vitrail est signé L. Batmet Grenoble.

Du même côté à la suite :

Dans une dominante froide, tant par la couleur que l’importance de l’eau, seul la présence des personnages humanise cette vision fantomatique.

Nous retrouvons notre messager ailé signe de sa nature spirituelle, qui les protégeant d’une main bienveillante, les guide, de l’autre en pointant un havre à atteindre. Dans ce paysage glacial, une nef baptisée France semble au mouillage, vue sa toile en partie affalée. L’autre rive semble désertique. Un silence nocturne semble régner. Les flots agités portent en premier plan une esquive exceptionnelle, composée d’un manteau formant la coque du vaisseau dont l’étrave est nouée au bâton pastoral d’un saint pèlerin. C’est lui qui est le pilote, le passeur, et le couple qui l’accompagne, un vieillard et une jeune femme, tendent leur regard vers la destination salvatrice.

Un cartouche assoit l’embase du vitrail où, centrées et seules, deux initiales enlacées P et D, d’or sur champs d’azur, sont les uniques indications. Discrétion certaine du père Pierre DONDAINEcœur cruellement blessé, qui voulu que l’on se souvienne du prix de la vie de ce fils bien aimé. La facture et la frise d’encadrement sont de même nature que le vitrail précédent et sort probablement du même atelier.

 

 

 

Côté droit de la nef, faisant pendant, deux autres œuvres du même atelier de Grenoble. Tout d’abord :

Nous retrouvons notre messager spirituel, qui, tout en accompagnant un trio de personnages, porte avec grande attention un calice rempli certainement d’un liquide très précieux. L’ensemble de la scène s’inscrit dans un paysage aux colorations froides et tristes. Notre trio déambule parmi les vestiges brisés d’une civilisation raffinée. De l’antique chapiteau au calvaire brisé, les signes d’une catastrophe cohobore la tristesse et l’accablement des trois sujets. La suggestion est forte de reconnaître la Vierge Marie accompagné de St Jean et suivi de Marie-Madeleine s’en retournant du calvaire que l’on devine à l’horizon à gauche. Le pont délabré, la cathédrale en feu précisent la dramatique situation, où la folie des hommes outrage impunément la Vie et l’Amour. Le cœur d’une mère, dont la perte de son fils soit imputable à une telle ignominie, se trouve saigné à blanc.

C’est ce visage chéri, disparu à jamais en cette terre belge, qui orne le médaillon central du cartouche rappelant l’identité du disparu :

A la mémoire du caporal Robert-Jean DONDAINE

Mort pour la France le 22 août 1914

A l’âge de 24 ans 

La facture du vitrail peut être toujours attribuée à l’atelier de Grenoble.

Enfin le dernier de la nef

Ici nous retrouvons la paix dans un intérieur, civilisé, où l’édification architecturale témoigne de l’élévation de l’être. Jésus en agir sacerdotal offre la communion sous les deux espèces à une femme de dignité royale, qui agenouillée lui présente un crucifix signe de sa foi et de sa participation aux souffrances du Christ. Notre messager spirituel et ailé surgit dans l’embrassure de l’arcade, déterminé et plongeant, porteur d’une couronne destinée à cette noble dame. A côté, priant et intercédant la Vierge Marie. Cette belle dame présentant les armes, ne serait-ce pas la fille aînée de l’Eglise, La France, enfant turbulent, dont la perspective en fond d’horizon rappelle le Sacré Cœur et les évènements de la Commune de Paris ?

De même structure décorative, ce vitrail comporte comme pour les trois autres, un cartouche rappelant qu’il fut :

offert par les Enfants de Marie de Nantiat en 1915

Au centre, les initiales enlacées de Ave Maria

Continuons avec le chœur, côté droit

Au centre d’une couronne florale, Saint Paul est représenté dans une facture christique. IL porte l’évangile et de la main droite rend grâce au père des cieux.

Dans l’axe et en dessous un second médaillon est barré d’un phylactère où il est dit :

A la mémoire du sergent Paul LEGRAND

63ème Régiment d’Infanterie

Mort pour la France au combat de Regneville (Lorraine)

Le 5 avril 1915 à l’âge de 23 ans

Ce vitrail n’est pas signé, mais celui qui lui fait pendant du côté gauche du chœur va permettre d’en identifier le créateur.

 

 

 

 

Chœur côté gauche

Composition à l’identique de celui de St Paul.

Ici Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus est vénérée et ceci est à noter qu’elle sera béatifiée seulement en 1923 et canonisée, donc reconnue sainte, en 1928 par le pape Pie XI, puis proclamée Docteur de l’Eglise en 1997 par Jean-Paul II.

Donc le phylactère du médaillon précise la dévotion du donateur, anticipant la canonisation de cette sainte :

Reconnaissance à Sœur Thérèse de L’Enfant Jésus pour grâces obtenues B.J. LACAN curé, en son nom et au nom de la paroisse 1916.

Le vitrail est signé L. Balmet et daté Grenoble 1916 en bas à droite.

 

 

 

 

 

En conclusion de cette visite

Essayons d’analyser cette douloureuse période. Face à ce terrible conflit avec l’Allemagne la nation toute entière a fait l’unité. Et pour un petit pays rural comme Nantiat, l’hécatombe dès les premiers mois, voir les 27 000 français tués ce jour du 22 août, fut certainement traumatisant pour la population qui voulu rendre hommage à toute cette jeunesse sacrifiée. Les familles les plus aisées crurent bon de faire ces dons dès 1915 afin d’honorer dans leur foi le sacrifice de ces enfants. Le plus souvent les corps de ces hommes restèrent sur les champs de bataille amputant les familles de leur deuil. Le curé et les autorités civiles permirent donc le remplacement des vitraux datant de 1833, par ceux que vous pourrez admirer.

Il est intéressant de noter à propos de l’atelier du Maître verrier Louis Balmet, qu’une erreur d’écriture de Nantiat en Nantua ne permit pas pendant longtemps de localiser la réalisation de ces œuvres alors que les cartons de composition étaient connus et répertoriés.

Les lots sont mis en vente à Drouot en 1995.

Enfin la dépouille mortuaire de Robert-Jean fut inhumée dans le caveau familiale seulement en 1927.

Source :

Recherches et commentaires de François Leciclé.