Les "papiers" de Jeanne Boyol et la place de la religion

Dans ce mémorial tout commence par ses fiançailles (1587) avec Jean de Villelume, et s’achève avec la mort de son mari (1591), en passant par la naissance de leurs trois enfants. Rien d’autre, ni avant ni après, ne lui a semblé nécessaire d’être mentionné. Ses propres parents n’y figurent qu’en tant parrain et marraine. Quant à sa belle-famille, elle n’apparaît pas.

Ce mémorial est majoritairement dédié à l’amour conjugal et aussi à la glorification de Dieu dans la soumission à sa volonté. Malgré les terribles évènements qui la touchent, Jeanne Boyol fait preuve de retenue et ne fait apparaître aucune plainte. Ceci pourrait passer pour un manque de sensibilité, mais le lecteur s’égarerait car il n’en est rien. Il faut se mettre dans le contexte et surtout garder à l’esprit la piété de cette femme, pour qui la religion a une place primordiale.

Ainsi nous pouvons lire “Au nom de Dieu … nous espousames le 2ème d’avril 1588, un jeudy ; et Dieu retira à soy Monsieur du Bastiment, mon mary, le 5ème de may 1591, un dimanche, heure de vespres”.

Jeanne Boyol et Jean de Villelume eurent trois enfants : un garçon et deux filles. Lorsqu’elle écrit les naissances de ses enfants, elle commence par une glorification de Dieu : “Salut par Jésus-Christ, Dieu nous a donné …”. En voici les passages :

« Dieu, par sa grace et benediction, a donné à Jean de Villelume de Barmontet et a moy JeanneBoyol de Montcoqu, sa femme nostre premier fils. Et nasquit l’an de grace 1589, le 24e d’avril, unglundy, heure de midy ; fust batiz & par Mr Joubert de Rochoar, ministre, au chasteau de Touront. Son parrain fust Mr de Montcoqu, mon père, et marraine Mademoiselle de St Germain qui pria masoeur, Marie de Montcoqu, le présenter au sainct batesme. Et s’appelle Pierre de Villelume. Faict àTouront, l’année 1590, le jour des roys. Dieu nous a donné notre seguonde filie après notre fils. Et naquit le 16e jour de juin 1590, un mercredy, heure de 8 heures de matin ; et fust batizée a Tourontpar le dit Mr Joubert, ministre de la parolle de Dieu. Et fust parrain Mons. Du Reperre de Perd, et marraine Mademoiselle de Montcoqu, ma mère. Et s’appelle Marie de Villelume. Faict a Touront le 17e février 1591. Dieu nous a donné nostre dernière filie qui nasquit l’année 1591, le 20enovembre, a 7 heures du jour de samedy matin. Et tous trois nés à Touront….ET fust bastizée au ditTouront par Mr Joubert. A esté parrain mestre Marcial de Champs, et ma soeur et filieule Jeanne de Montcoqu [a esté marraine], le mercredy en may 1594 ».

Cette place de la religion va même plus loin. Dans sa communication concernant les 21 membres de la maison de Villelume reçus dans l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, le comte Aymeric de Villelume montre que « cette identification entre la vie temporelle et la vie spirituelle, s’affirme même par l’usage d’expressions symboliques où se mêlent le sens apparent et la signification cachée : “Dieu l’élu(t) premier” (anagramme de Pierre de Villelume, son fils aîné) ; “L’élu de Dieu ayme la bonne joie” (anagramme de Jean de Villelume et de Jeanne Boyol). »

Jeanne Boyol étant de confession protestante, nous retrouvons dans ses écrits la marque de cette religion. Par exemple, elle écrira que “Mr. Joubert” qui conféra le baptême à ses trois enfants était “Ministre au chasteau de Touront” et même “Misnistre de la parolle de Dieu”.

Il a été dit à plusieurs reprises que Jean de Villelume et Jeanne Boyol avaient fait ériger au Bâtiment (Chamborêt), deux lieux de culte : une chapelle catholique et un temple protestant. D’après Lecler, c’est une erreur. Les deux personnages pratiquaient librement et séparément leur religion mais jamais deux lieux de culte distincts ne furent construits. De plus, d’après les écrits de Jeanne Boyol, le couple n’a jamais habité le Bâtiment.

Liste des vingt-et-un membres de la Maison de Villelume reçus dans l’Ordre de Saint Jean-de-Jérusalem dit de Malte, Communication du comte Aymeric de Villelume, in www.geneawiki.com.