Les résultats des concours du premier comice agricole de Nieul

Fin du discours de JJ de St Martin, à l’occasion du premier comice agricole du canton de Nieul en 1835.

[…] Ne remarquez-vous pas déjà, Messieurs, sur quelques points de notre canton, comme des jalons plantés ça et là qui vous indiquent soit un essai à suivre, soit une amélioration à constater, soit une faute à éviter ? Hommage donc aux bonnes intentions ; encouragements aux essais ; récompense aux plus heureux résultats ! mais honneur à l’un de nous oui, Messieurs, l’honneur au noble et généreux jeune homme qui, pouvant bercer son existence de rêves d’une opulente oisiveté, n’a pas craint de s’emparer du mancheron de la charrue pour labourer ses terres, a nivelé et pratiqué ses irrigations, a forgé lui-même, réparé et perfectionné ses outils aratoires, et qui, maniant tour à tour, et toujours heureusement, la hache du charpentier ou le compas du mécanicien, nous offre aujourd’hui des exemples à citer et des modèles à imiter !

Ne dois-je pas ici, Messieurs, au nom du comice, remercier en public un des honorables et zélés cultivateurs du pays, qui sur la simple annonce de l’ouverture de notre concours, est venu spontanément d’un canton éloigné offrir à notre curiosité le spectacle nouveau d’une charrue de Small. Remercions-le d’avoir si bien compris le but de l’institution des comices.

Qu’il me soit permis de trouver dans cet acte d’une généreuse émulation l’honorable présage que désormais un pas immense a été fait dans la voie de notre prospérité agricole ; qu’il me soit également permis de me réjouir de ce que ce premier exemple ait été donné en faveur du comice de Nieul. De ce moment en effet tombe, devant cette noble impulsion, la fatale barrière des localités. Ce n’est donc plus un simple concours que nous aurions couvert pour un petit canton, c’est une lice générale, où tous les cultivateurs sont admis à disputer une couronne.

C’est un véritable service rendu par M. de Liron à la noble cause de la charrue. En lui donnant acte le comice croit devoir le signaler au pays.

Je laisse à M. le Secrétaire le soin de vous donner connaissance des décisions des divers jury d’examen.

M. le Secrétaire s’est exprimé en ces termes :

Messieurs,

après ce que vous venez d’entendre, il ne m’appartient pas de vous en dire plus sur l’institution des comices agricoles et sur les avantages inouïs qu’ils doivent déverser sur l’agriculture de notre pays.

L’institution des comices agricoles m’a paru et me semble encore un puissant moyen de diriger cette impulsion, et de propager des améliorations utiles ; instruit des changements favorables qu’ils avaient opéré dans le Poitou et le Périgord, il me tardait de voir notre canton jouir de cette impulsion ; et, secondé par des amis, des voisins éclairés, dont les exemples ont contribué en grande partie à me donner le goût et la pensée de me vouer, pour ainsi dire à l’agriculture et à ses progrès, j’ai vu enfin le comice agricole de Nieul, à l’instar de celui de Limoges, de celui d’Aixe, et le troisième en ligne, se constituer le 10 janvier 1835 : bientôt son règlement a été arrêté, le programme des primes publié, et, dans le cours de quelques mois, les primes ont été décernées.

C’est de ces primes dont j’ai, comme secrétaire du comice, à vous entretenir et dont je vais vous faire le rapport. Sans observer l’ordre des dates, mais en me réglant sur l’importance, je vais vous parler d’abord du concours de charrues. Dix sept laboureurs se sont présentés avec des araires attelées de deux bestiaux et sans guides ; l’espace du terrain à parcourir, la profondeur du labour, la largeur des sillons ayant été fixés, tous sont partis, à un signal donné, avec la même émulation ; les jurés suivaient l’opération ; de nombreux assistants prenaient part à ce nouveau spectacle ; quatre espèces de charrues ont manœuvré : l’araire du pays, cette même araire avec un nouveau perfectionnement, la charrue Dombasle et une charrue anglaise site de Small.

Ici je dois vous dire, Messieurs, que cette dernière charrue, n’appartenant pas au canton, n’était pas appelée par le règlement à concourir ; mais le bureau, jugeant qu’une infraction à la règle dans cette circonstance pourrait tourner au bien commun en faisant connaître un instrument perfectionné nouveau pour nos cultivateurs n’a pas hésité à l’admettre. Cette tolérance a porté ses fruits : tous se sont applaudis de voir travailler cette charrue, qui a été proclamée supérieure aux autres : aussi plusieurs propriétaires veulent-ils s’empresser de l’adopter.

Avant de couronner les vainqueurs je vous ferai observer que, pour exciter une plus grande émulation parmi les colons et les petits propriétaires, les réserves se sont mises hors de concours ; elles se contenteront plus tard de mentions honorables et du suffrage public ; heureuses si, par leur exemple, elles peuvent amener quelques convictions dans l’esprit de cette classe honorable mais peu éclairée de cultivateurs qui ont voulu jusqu’ici s’en tenir à ce qu’avaient fait leurs pères, sans admission de mieux !

Ici point de développement théorique : l’exemple, et l’exemple seul ; nous sommes appelés à le donner, Messieurs.

Soyons donc bien pénétrés de cette idée : que le nombre des gens éclairés qui s’adonneront à l’agriculture en assureront le succès et que, pour produire quelques résultats, il suffit qu’un petit nombre commence : les améliorations viendront, se propageront ensuite, et seront adoptés de tous. Nous devons y compter avec une confiance d’autant plus assurée que la présence du premier administrateur parmi nous dit mieux que nous ne pourrions l’exprimer la bienveillance qu’il accorde à l’agriculture. Nous sommes heureux d’être, dans cette circonstance, l’interprète des sentiments des membres du comice et de la reconnaissance de la contrée.

Voici les noms des laboureurs qui ont figuré au concours des charrues, qui a eu lieu le 24 octobre, dans un champ situé près du bourg de Nieul.

Un banquet clôturait ce premier comice. La Gazette du Limousin du 6 novembre 1835 conclut :

Des danses improvisées ont suivi ce banquet, qui a eu lieu dans une vaste salle du château de M. du Boucheron. Nous désirons, déclare M. Juge de Saint-Martin, ainsi que l’a dit le Préfet, que l’exemple du comice agricole de Nieul soit imité dans toutes les localités de ce département et surtout des comices de Limoges, Aixe et Nantiat.

Commentaire du journal. Ces solennités franches, simples et cordiales, comme des fêtes de famille, encouragent nos bons laboureurs en excitant leur émulation. C’est l’unique, le plus puissant moyen de répandre dans nos campagnes les bienfaits si longtemps abandonnés à l’inexpérience et à l’entêtement des cultivateurs, et de nous affranchir du monopole de l’agriculture du nord, prétendant chaque jour nous imposer des instruments qui ne l’emportent sur les nôtres que par la difficile conception de leur mécanisme et leur élégance préférée à la solidité.